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une province de l'empire ottoman,
les Kabyles se refusèrent constamment à payer des impôts au
gouvernement turc. Leur langue n'a aucune analogie avec celle
des Arabes. Ils sont laborieux et sédentaires. Le Kabyle, qui
a une demeure fixe, cultive la terre avec le plus grand soin,
et aime ses montagnes avec passion. Outre ces deux races
aborigènes, il y a encore les Maures, ou Arabes des villes ;
les Koulouglis, nés de pères turcs et de mères mauresques ;
les Nègres de l'intérieur de l'Afrique, et enfin les Juifs,
qui forment une portion considérable de la population
d'Alger. Mais je reviendrai plus tard sur ce sujet.
J'avais le plus vif désir de voyager en Algérie, et
surtout. de faire l'essai de certaines sources chaudes qu'un
médecin de Paris m'avait indiquées comme très efficaces
pour guérir les rhumatismes. Mon premier projet avait été
de passer par la France ; mais je dus y renoncer, à cause de
la guerre avec la Prusse. Au mois de janvier 1871, je
m'embarquai donc pour Gibraltar avec ma fille aînée, sur le
vapeur Bangalore, de la Compagnie péninsulaire et
orientale. Jamais je n'oublierai les horreurs de la traversée
: vents contraires, tangage et roulis affreux, le bâtiment
encombré de passagers se rendant aux Grandes Indes, et, chose
étrange, d'une multitude de " babys ", qui criaient
nuit et jour sans interruption ; le mal de mer qui me cloua
pendant quatre jours sur ma couche. Enfin, le sixième jour,
nous débarquâmes à Gibraltar. Nous avions eu pour compagnon
de voyage un monsieur âgé, qui avait été fort maltraité
par les nègres de la Jamaïque, lors de la révolte qui eut
lieu contre le gouverneur Eyre le pauvre monsieur nous raconta
que les noirs lui avaient fendu la tête et l'avaient laissé
pour mort, tandis que l'ami chez lequel il demeurait avait
été massacré, ainsi que toute sa famille.
Comme nous montions la rue étroite et à moitié anglaise
qui conduit à l'hôtel du Cercle, notre courrier vint
nous dire d'un air tout consterné qu'il n'v avait plus une
seule chambre de disponible dans aucun des hôtels de
l'endroit. Force nous fut d'entrer dans un restaurant pendant
qu'il continuait ses recherches.
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Notre inquiétude ne fut toute
fois pas de longue durée : à peine étions-nous assises, que
nous vîmes entrer le général sir Fenwick Williams, de Kars,
gouverneur de Gibraltar, qui insista de la façon la plus
obligeante pour nous loger chez lui. Nous n'apprîmes que plus
tard que notre hôte nous avait cédé son propre appartement,
toutes les autres pièces étant occupées. La résidence du
gouverneur porte encore le nom de " couvent ", parce
que c'était autrefois un monastère de franciscains. Sir
Fenwick Williams ne cessa de nous combler d'égards pendant
notre séjour à Gibraltar. Mais il fallait continuer notre
route.
Le vicomte de Fontaine, consul français, homme du meilleur
monde, s'empressa de nous retenir des places sur un petit steamer
français qui faisait deux fois par mois la traversée d'Oran.
Nous nous embarquâmes donc, le 2 février, sur le Spahi.
Hélas! j'y retrouvai ma mauvaise étoile : en vain nous
voulûmes braver un vent furieux et une pluie torrentielle, il
ne fut pas possible à notre bâtiment de sortir de la rade ce
jour-là. Le gouverneur, qui avait prévu ce contre-temps,
nous envoya chercher dans sa chaloupe, et il nous fut très
agréable, à ma fille et à moi, d'échapper encore pour
quelques heures aux fureurs de l'élément perfide. Le
lendemain matin, la mer s'étant apaisée, nous nous
embarquâmes de nouveau ; et, au bout de vingt-six heures de
traversée, nous entrions dans le port de Nemours, première
ville de l'Afrique qui s'offrit à nos regards. Nous avions
beaucoup souffert du mal de mer. La table, à bord du Spahi,
était abominable ; heureusement que sir Fenwick Williams
avait eu l'aimable attention de nous envoyer une bourriche
bien garnie, qui nous fut aussi d'un immense secours pendant
les premières semaines de notre voyage. Nous avions
également, pour nous consoler, la société d'un beau
lévrier appelé Coquet, qui ne nous quittait pas un instant
et folâtrait avec nous comme un petit chat.
Nemours, l'ancien port arabe de Djemma-Razaouat (la
Mosquée des Pirates), est aujourd'hui une petite ville sans
importance, qui sert d'entrepôt au commissariat. Les
Français la rebaptisèrent,
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