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CAHIERS DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE |
LIVRET 11 |
LA FRANCE et LES ŒUVRES
INDIGÈNES en Algérie |
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de l'enseignement des indigènes en Algérie. C'est que, d'une part,
ils ont toujours constitué et constituent encore la grosse
majorité de la population (leur nombre paraît avoir été
d'environ 1.500.000 en 1830; ils sont plus de 5 millions
aujourd'hui, alors qu'il n'y a guère plus de, 800.000 Européens)
et que, d'autre part, la question se complique ici d'un facteur de
race, de mœurs, de religion qui nécessite un doigté délicat.
Enseignement primaire, enseignement secondaire, enseignement
supérieur, enseignements professionnels divers, la France a
cependant multiplié ses initiatives fécondes pour instruire ses
enfants musulmans, pour les amener à la civilisation moderne et
éveiller en eux la pleine conscience ce leur valeur d'humanité.
C'est naturellement par l'enseignement primaire qu'il fallait
commencer.
En ouvrant, dès 1832, des écoles d'enseignement mutuel à Alger,
à Oran et à Bône, « le Gouvernement se proposait, avant tout,
d'arriver à l'instruction des indigènes : c'était le plus sûr
moyen de les conquérir à la cause de la France et de la
civilisation. Dans les jeux du jeune âge et les exercices de
l'étude avec des Français, les enfants Maures auraient perdu cet
esprit de fanatisme et de haine, entretenu par les préjugés
religieux. L'administration devait chercher à s'attacher par un
langage commun la génération qui s'élève, et à la rapprocher de
nous par le concours des mêmes idées et des mêmes intérêts.
Mais, excepté à Oran, où ils sont en bien petit nombre, et à
Bône, où nous n'avons pas encore abdiqué tout espoir, les Maures
ont déserté nos bancs » (1).
On se décida donc à créer des écoles spéciales : l'école
maure-française de garçons, à Alger, en 1836, fut, on l'a dit
plus haut, la première. Son organisation était identique à celle
des écoles juives françaises : un maître indigène et un
instituteur français prenaient tour à tour les élèves :
celui-là pour leur enseigner la religion et la langue arabe,
celui-ci pour leur donner des leçons de lecture, d'écriture,
d'orthographe, de grammaire française, etc... Il y eut 60 élèves
la première année.
Cette école resta longtemps la seule. Cependant, dès I839,
l'Inspecteur de l'enseignement demandait qu'il en fût
(1) Genty de Bussy, op. laud., t. II, page 204. A
Oran, sur 66 élèves il y avait 5 Maures (1833); à Bône, il y en
avait 12 sur 32 élèves en 1834.
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Un article précédent, l'article I0, chargeait le grand rabbin et
les rabbins de les inspecter (1).
En dépit de cette sollicitude, ces institutions n'ont pas atteint
un complet développement. L'école de filles juives d'Alger, par
exemple, avait 20 élèves l'année où elle s'est ouverte (1836).
Les années suivantes elle en reçut de 50 à 80, mais en 1843, elle
n'en comptait plus que 16, quoique la directrice prît une peine
infinie pour les y attirer et pour les instruire, leur apprenant
non-seulement la lecture, l'écriture, le calcul, la géographie et
l'histoire sainte, mais aussi la couture et la broderie. Les
garçons venaient plus aisément, mais leur fréquentation était
des plus irrégulières. « Il est rare qu'ils persévèrent deux
années de suite, écrivait l'inspecteur de l'Instruction publique
en 1843. A peine savent-ils lire, écrire, compter, et ils
apprennent vite, qu'ils disparaissent sans retour ». En 1865 le
maître de l'école consistoriale d'Oran demande que l'on ferme les
midrashim (les midrashim étaient pour les israëlites ce que les
écoles coraniques sont pour les Musulmans), parce qu'ils font un «
tort immense » à son école.
En fait, les enfants israëlites, de plus en plus, préféraient l'école
française. Alors que l'école juive d'Alger ne réunissait que 40
élèves, l'école d'enseignement mutuel en comptait 50 dès 1832
et, l'année suivante, 70. Au 3I décembre 1838, il n'y avait, dans
les établissements d'enseignement public, que 145 garçons et 85
filles israëlites. En 1863, avec le même nombre ou peu s'en faut
d'écoles juives, les établissements publics, ou libres, recevaient
2.973 garçons et 59,7 filles de cette origine.
Le décret du 24 octobre I870 fit de tous les israëlites d'Algérie
des citoyens français.
Le problème de l'instruction des indigènes musulmans, Maures,
Arabes, Kabyles, a une tout autre ampleur. C'est lui qui se
présente tout d'abord à l'esprit lorsqu'on parle |
(1) Le personnel enseignant, dans les écoles de
garçons, se composait d'un maître indigène, chargé d'enseigner
la religion, et d'un instituteur français, pour la lecture,
l'écriture, le calcul en français. C'est à une institutrice juive
que fut confiée la direction de l'école de filles juives. |
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