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celui de Miliana, géré par Sidi-Embarek, le marabout de Koléa,
dont la famille était originaire des Hachem et dont la zaouïa
était un des grands centres religieux de l'Algérie; celui de
Médéa, gouverné par Berkani, d'une famille maraboutique des
environs de Cherchel ; celui du Sebaou, dont le titulaire était
Mohammedben-Mahi-ed-Din ; celui du Hamza, donné à
Ahmed-ben-Salem, marabout des Khachna ; celui de la Medjana, à
Mokrani ; celui des Zibans, à un marabout de Tolga, Ben-Azouz ;
celui du Sahara, à Abd-el-Baki.
En réalité, le pouvoir d'Abd-el-Kader et de ses représentants
dans quelques-unes de ces circonscriptions était purement
théorique. Le centre de sa puissance était la province d'Oran; à
mesure qu'on s'en éloignait, son influence diminuait; dans la
province de Constantine, pays de djouad et non de marabouts, on
l'ignorait; les grandes tribus sahariennes échappaient à son
emprise; enfin les Kabyles lui refusaient leur concours. En 1839, il
se rendit en Kabylie avec seulement quelques cavaliers d'escorte,
car Ben-Salem lui avait conseillé de se présenter en hôte
inoffensif, en simple pèlerin; il fut bien accueilli, mais
lorsqu'il voulut prêcher la guerre sainte, demander des fantassins
pour son armée régulière et enfin la dime, l'achour, les
Kabyles se fâchèrent : « Nous ne demandons pas mieux, lui
dirent-ils, que de vivre en bonne intelligence avec votre khalifa,
mais qu'il ne nous parle jamais d'impôt, comme il l'a déjà fait
dans les plaines, car nos ancêtres n'en ont jamais payé et nous
voulons suivre leur chemin. Vous vous êtes annoncé chez nous en
qualité de pèlerin, et nous vous avons offert la diffa. Sachez
bien que si vous étiez venu comme makhzen, au lieu de
couscouss blanc, nous vous aurions rassasié de couscouss noir (de
poudre). Quant aux chrétiens, s'ils viennent jamais chez nous, nous
leur apprendrons ce que peuvent les Zouaouas à la tête et aux
pieds nus. »
Grâce à son merveilleux génie d'organisation, Abd-el-Kader
tira des indigènes, en quelques années, le maximum de ce qu'on
pouvait en attendre. Mais il ne réussit pas à réaliser entre eux
l'impossible union. Leur anarchie, leur manque d'esprit politique ne
lui permirent pas de constituer un gouvernement national. Le refus
de concours des Kabyles en particulier contribua puissamment à sa
défaite. D'ailleurs, le gouvernement théocratique est
difficilement compatible avec une administration régulière. Après
la convention de la Tafna, l'émir gagna en puissance matérielle,
mais perdit en influence religieuse, car il avait pactisé avec les
infidèles. Il s'efforça alors d'avoir une armée, des
approvisionnements, de lever des impôts. Mais les impôts font
haïr celui qui les perçoit. Des chefs rivaux se dressèrent contre
lui ou refusèrent de lui obéir. Enfin, même chez les tribus qui
lui étaient le plus dévouées, la lassitude vint vite et de plus
en plus nombreux furent parmi les indigènes ceux qui aspiraient à
la paix.
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