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goum. Une première ligne de
villages devient la proie des flammes ou de nos Arabes
auxiliaires, non moins dévastateurs ; aussi, dès le
lendemain, les chefs viennent-ils se remettre à la
discrétion du vainqueur et l'aman leur est accordé. A peine
étouffé sur un point, l'incendie se rallumait ailleurs au
souffle des éternels agitateurs Ben-Salem, Bou-Chareub,
Bel-Kassem-ou-Kassy. Cette fois, ils réussirent en accréditant
des mensonges si souvent essayés que leur succès a bien
droit de surprendre. C'étaient par exemple, la prise d'Oran
par Abd-el Kader, le triomphe des insurgés du Dahra, la mort
du Maréchal Bugeaud tué dans l'Ouarencenis, l'approche de
l'émir avec une armée victorieuse, etc. Ben-Salem possédait
en outre un cachet de son maître, et il inondait le pays de
lettres supposées.
L'inquiétude gagna les Issers : ayant à s'occuper de
leurs moissons, ils redoutaient pendant cette période un coup
de main des montagnards. Le général Gentil vint, avec une
petite colonne, veiller à leur sécurité. Cette mesure ne
suffit même pas tout-à-fait. Pendant que le général
sévissait chez les Beni-Slyem, Bel-Kassem faisait attaquer
les Beni-Thour, nos alliés, presque sous les murs de Dellys ;
et si ses adhérents manifestaient quelque crainte de notre
vengeance : " Enfants que vous êtes ! s'écriait-il,
vous n'avez rien à craindre en marchant avec moi. En cas de
malheurs, j'ai là, dans le capuchon de mon burnous, une chachia
et une baretta (1). Si le sultan vient, j'irai le
visiter coiffé de la chachia ; dans le cas contraire, je me
rendrai chez les Français, la baretta en tête. De l'une ou
de l'autre main je recevrai l'investiture et je resterai votre
chef. "
Les choses ne tournèrent pas tout-à-fait ainsi. D'abord,
à l'arrivée du Maréchal et de cette armée qui tant de fois
les avait vaincus, tous nos ennemis renoncèrent au combat.
Quelques bataillons furent lancés sur les villages des
Béni-Ouaguenoun, et les
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(1) Chachia : calotte rouge. Baretta
:mot emprunté de l'italien, par lequel les Arabes désignent
nos képis et même en général toute coiffure française.
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brûlèrent sans entendre tirer
un seul coup de fusil : tant était grande la stupeur
publique, en face de ce démenti donné à toutes les fausses
nouvelles qui avaient obtenu un tel crédit ! Les tribus
compromises se hâtaient de signifier aux perturbateurs
l'ordre d'abandonner leurs territoire ; chacune tour à tour
se courbait sans résistance sous la main qui pouvait
l'écraser. Ainsi furent passées eu revue toutes les
fractions compromises. Malgré des chaleurs étouffantes, la
colonne se promena successivement chez les Beni-Raten, chez
les Beni-Djenad qui payèrent une amende, chez les
Flisset-el-Bahr qui devancèrent son arrivée pour fournir
tous les gages de leur soumission. On atteignit Dellys ; et la
promenade pacifique se trouva terminée, laissant toute fois
une telle impression derrière elle que non seulement les
anciens chefs de la contrée y perdirent leur influence,
" chacun de vos mensonges, leur disait-on, vous apporte
un malheur ; " mais encore qu'un des nombreux chérifs
qui, sous le nom de Bou-Maza, réussissaient presque partout
à se créer d'aveugles prosélytes, rencontra dans la Grande
Kabylie l'indifférence la plus décourageante. Enfin nous
allons voir quels sentiments devait y réveiller Abd-el-Kader
lui-même en reparaissant après une si longue absence. |
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III.
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La paix, régnante autour du
Jurjura, ne semblait pas pouvoir être compromise de
longtemps, lorsque vers la fin de l'année 1845, les nouvelles
de l'ouest parvinrent insensiblement ; elles prirent un
caractère de certitude incontestable, quand il fut avéré
qu'Abd-el-Kader venait de paraître jusqu'auprès de Boghar,
et même dans le Djebel-Amour.
Depuis sa malédiction fameuse du Boudouaou, c'est à-dire
depuis six ans, jamais il ne s'était tant rapproché de la
Grande Kabylie. Les anciens chefs de son parti donnèrent
aussitôt l'éveil. Le retour du sultan fut publié par tout
comme le résultat de brillantes
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